"Le prochain président doit être l'inverse de Sarkozy."

Publié le par repondre à Gauche 62

Photo : DR

François Hollande a répondu aux questions de la rédaction politique de Libération.

 

En déclarant qu’il votera pour vous, est-ce que Jacques Chirac aide la gauche à tourner la page du
sarkozysme ?

Il a précisé lui-même le sens qu’il voulait donner à ses propos. Je préfère revenir sur ce qu’il a écrit dans son livre, j’imagine après mûre méditation, sur l’atlantisme, le libéralisme, et le comportement de son successeur. Là, il ne s’agissait pas d’humour corrézien.

Le soutien d’un ancien président de droite, peut-il être un handicap pour vous ?
Dans la vie politique, on reçoit suffisamment de critiques pour prendre les compliments d’où qu’ils viennent ! Au-delà de la boutade de Jacques Chirac, si nous voulons gagner en 2012, il faudra bien qu’un certain nombre d’électeurs qui avaient pu voter à droite et qui sont aujourd’hui dans le désenchantement choisissent la gauche. C’est la logique de l’alternance et c’est l’évidence du rassemblement qui avait conduit François Mitterrand à dire qu’il fallait bien des civils pour faire des militaires.

Il y a un débat au PS sur des électeurs à privilégier : les classes populaires de plus en plus tentées
vers la droite, voire l’extrême droite, ou les classes moyennes ou les séniors. Qu’en pensez-vous ?

Cibler une partie de l’électorat, ou pis, encore, en ignorer une autre, c’est ne rien comprendre à ce qu’est le sens même d’un projet politique. Lors d’une élection présidentielle, il faut unir descatégories et des générations différentes autour d’un thème qui fédère. C’est pourquoi je concentre mon message sur la jeunesse. Il ne s’agit pas d’identifier un groupe d’âge à séduire, mais de réconcilier tous les Français autour de l’idée que leurs enfants vivront mieux qu’eux.

Cependant, votre contrat de génération est décrié au PS…
Je n’entends rien de la sorte. Cette mesure permet, à chaque fois qu’un sénior est gardé dans l’entreprise le temps de se constituer une retraite à taux plein et qu’un jeune est recruté avec un CDI à 25 ans, d’exonérer l’employeur de toutes cotisations sociales pendant trois ans. Elle favorise la transmission du savoir et évite qu’un dispositif pour les jeunes ne se transforme en une exclusion des séniors et inversement.

Elle coûterait plus de 12 milliards d’euros selon ses détracteurs…
Les exonérations de cotisations sociales, aujourd’hui sans contrepartie, coûtent deux fois plus.

L’état financier du pays permettra-t-il de se lancer dans de tels programmes ?
Cette question est majeure. Nous avons un double devoir pour 2012 : vérité et volonté. La vérité conduit à dire que nos marches de manœuvre sont limitées. La volonté, c’est de lever une espérance autour de la réussite générationnelle. Les mobilisations de la jeunesse en Espagne sont bien le signe qu’il y a une obligation qui vient de loin, qui est ce que j’appelle notre rêve républicain de réenclencher la marche vers le progrès.

Elu, quelle serait votre première mesure de Président ?
La réforme fiscale. C’est le préalable à toutes les autres. Il ne pourra pas être demandé quelque sacrifice que ce soit à nos concitoyens s’ils n’ont pas la certitude que le prélèvement sera juste, clair et simple.

Comment vous différenciez-vous des autres présidentiables sur le terrain ?
La seule compétition qui me mobilise, c’est la confrontation avec la droite et l’extrême droite. Dans la primaire, je suis là pour me faire entendre, comprendre et choisir.

Est-ce que l’amélioration de la conjoncture économique peut venir au secours de Nicolas Sarkozy
en 2012 ?

Je souhaite que la situation s’améliore. Ce sera d’autant plus facile pour nous d’agir en 2012. Il y a des raisons de penser que grâce au dynamisme des pays émergeants et à la robustesse de la croissance allemande, la France connaîtra une amélioration de son activité. Pas suffisamment pour que le chômage baisse fortement mais au moins pour le faire diminuer à la marge. En revanche, notre économie souffre de deux handicaps que la politique de Nicolas Sarkozy a aggravés : le déficit de notre commerce extérieur et celui de nos comptes publics. Les nouveaux cadeaux fiscaux sur l’ISF comme l’accumulation des dettes de ces dernières années vont continuer de peser au point que les agences de notation nous surveilleront pendant toute la campagne. Nicolas Sarkozy se présentera comme le candidat de la protection comme le candidat de la protection alors qu’il a été le président de l’affaiblissement du pays. Sa reconduction serait un risque pour la cohésion nationale, et même pour l’économie.

Qu’est-ce que cela fait d’être devenu le favori après la chute de Strauss-Kahn ?
Ce qui compte c’est d’avoir le maillot jaune à la fin ! J’en ai connu qui l’ont porté tout au long de la course et l’ont perdu pour quelques secondes. L’évènement de New-York m’a peiné. Il ne m’a pas donné, comme certains l’ont écrit, une opportunité. J’étais convaincu que je pouvais gagner parce que je ne me suis pas déterminé par rapport à tel ou tel candidat, mais par rapport à ma propre ligne : porter un projet qui donne confiance et fierté aux Français. J’ai eu conscience très tôt que l’élection ne devait pas se réduire à un anti-sarkozysme, mais que, en revanche, le prochain chef de l’Etat devait être l’inverse de Nicolas Sarkozy. Son relatif silence ces derniers temps prouvent qu’il est conscient du problème qui est le sien. Il nous dira une nouvelle fois qu’il a changé, mais il est déjà trop tard.

C’est pour cela que vous voulez être un « président normal » ?
Il ne s’agit pas de nier le caractère exceptionnel de la fonction et des qualités qu’elle exige mais de mettre en cause un comportement, celui de la concentration du pouvoir et une pratique, celle d’une prétention à vouloir décider de tout, à laquelle correspond un manque de respect à l’égard des citoyens. En 2012, ce qui est attendu de nous n’est pas la réplique que 1997 et encore moins de 1988 ou de 1981. Le monde comme la société ont changé. Je revendique la novation comme l’innovation avec le souci de mettre l’Etat au service du quotidien des Français. C’est la raison pour laquelle je veux que se soit formée pour 2012 une équipe avec des visages nouveaux, des couleurs, des diversités de parcours.

Vous avez repris à votre compte ce lien avec les Français qui serait incarné par « Mme Dugenou »…
Cette expression n’est pas la mienne, mais celle de l’entourage de Nicolas Sarkozy, qui a fait montre de distance à l’égard des plus modestes de nos concitoyens.

Vous êtes décrit comme un candidat « tradi » faisant campagne dans les salles des fêtes. Est-ce
efficace à l’heure des réseaux sociaux ?

Les déplacements, les meetings, les visites, le contact presque personnel avec chaque Français ne sont pas incompatibles avec les réseaux sociaux qui les démultiplient. Je vois bien ce qu’internet peut avoir comme impact, mais une technique ne fait pas une élection. Le meilleur candidat ne sera pas celui qui aura le plus d’amis sur Facebook- Nicolas Sarkozy en aurait 500 000, j’aimerais bien les connaître- mais celui qui aura réuni une majorité de suffrages sur son nom et son projet.

En quoi êtes- vous meilleur candidat que Martine Aubry ?
C’est aux Français de répondre en venant voter massivement lors de la primaire. Il ne s’agira pas seulement de désigner le candidat socialiste, mais de lui donner la force d’être le prochain président.

Qu’est ce qui vous différencie de Ségolène Royal ?
Je respecte toutes les candidatures ; je refuse toute dévalorisation de la compétition ; c’est la condition du rassemblement indispensable au lendemain de la primaire.

Votre campagne connaît-elle un faux plat ?
L’évènement à New-York a changé les conditions de la campagne. J’ai le sentiment d’être un peu seul en ce moment, mais cela ne va pas durer. Nous ne sommes pas dans un Congrès du PS. J’insiste : ce n’est pas une somme d’alliances, un pacte ou une liste de signatures qui vont faire le résultat. Les militants vont jouer pleinement leur rôle et les Français, par leur participation, feront le choix décisif.

 


Par Laure Bretton, Matthieu Ecoiffier, et Paul Quinio

Publié dans Actualités

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